L’Abbé Bérenger Saunière
Sermons
Antugnac
4 mai 1890 – 12 juin 1891

English Transcript


IVe Dimanche après la Pentecôte
22 Juin, fête de l'Adoration Perpétuelle.
A Rennes : Catéchisme à 6 h. Messe à 8 h.
Procession dominicale
Prône : histoire de Ste Germaine.
Nativité de St Jean Baptiste

Germaine Cousin naquit à Pibrac, village d'environ 200 feux, près Toulouse, vers 1579. Son père Laurent était un pauvre cultivateur, sa mère se nommait Marie Laroche. Dès les premiers instants de sa naissance, Germaine est vouée à la souffrance et aux afflictions. Elle apportait en naissant de cruelles infirmités, étant percluse de la main droite et atteinte de scrofules. A peine sortie du berceau, elle devint orpheline; Dieu lui retira sa mère, et pour. comble de malheur pour elle, son père ne tarda pas à se remarier. Cette seconde femme eut, des enfants et ainsi qu'il arrive presque toujours, au lieu de prendre en pitié l'orpheline que la Providence lui confiait, elle la prit. en aversion. - Voilà donc de quelle sorte Germaine commença la vie : pauvre, infirme, orpheline, placée sous le joug d'une marâtre. Mais n'en jugeons pas comme le monde; ce furent là les premières grâces de Dieu. - C'est aux misères de sa condition que Germaine dut l'éclat hâtif de son humilité, de sa patience et de ses autres vertus. Elle aima la douleur comme une soeur, comme une compagne depuis son berceau jusqu'à son dernier soupir.

Dès qu'elle fut en âge, sa marâtre qui ne pouvait la souffrir à la maison, la mot à la garde des troupeaux. Elle y resta jusqu'à la fin de ses jours. - La solitude est mauvaise à qui ne vit pas avec Dieu. Le métier de pasteur dans la liberté des champs, si innocent en lui-même est loin, trop ordinairement, de protéger les moeurs des enfants, sans compter la profonde et dangereuse ignorance des choses spirituelles à laquelle ils sont condamnés. Ce fut pour Germaine un repos et une faveur. Le Dieu qui se cache aux savants et aux superbes, mais qui se révèle aux petits et aux humbles, commença à se faire entendre à son coeur par les merveilles de la création. - On ignore de qui Germaine reçut les premières leçons des vérités du salut. Dieu lui-même se chargea de l'éducation chrétienne de sa servante, par la prière, la méditation, les entretiens solitaires, etc...

Dans de telles circonstances, la solitude lui devint délicieuse, non pas tant parce qu'elle y était à l'abri des duretés et des mauvais traitements de sa marâtre que parce qu'elle y jouissait de la présence de son Dieu. O beata solitudo, ô sola beatitudo ! ô bienheureuse solitude, ô vraie béatitude, disait un père du désert.

Cette petite bergère se créait une retraite dans la retraite même. Jamais on ne lui vit rechercher la compagnie des autres jeunes bergers; leurs jeux ne l'attiraient pas, et leurs rires ne troublaient point ses recueillements. Elle ne parlait quelquefois aux filles de son age que pour les exhorter doucement à se souvenir de Dieu.

Le soir venu, quand la pauvre fille rentrait du troupeau à la maison paternelle, il n'y avait rien pour elle; on ne lui faisait pas sa place au foyer. A peine lui accordait-on, dans la maison de son père, un asile et un abri. La marâtre toujours impérieuse, toujours irritée, la renvoyait dans quelques coins. Il n'était pas permis à Germaine d'approcher les autres enfants de la famille, ses frères et ses soeurs qu'elle aimait tendrement; toujours prête à les servir, sans témoigner aucune jalousie des préférences odieuses dont ils étaient l'objet et elle la victime. L'inflexible dureté de la marâtre, réduisait la jeune infirme à aller prendre son repos dans une étable ou sur un tas de sarments au fond d'un couloir. Germaine soumise et respectueuse se taisait et se cachait. Dieu lui apprenait à aimer la souffrance, à accepter les humiliations avec joie. Elle se refusa durant toute sa vie, toute autre nourriture qu'un peu de pain et d'eau.

Elle marchait sur les traces de N. S. J. C., copiait pas a pas sa passion, pardonnait à ses bourreaux, remplissait le précepte de la charité fraternelle et aimait à tel point que ni l'affliction, ni la persécution, ni la vie, ni la mort ne pouvait la séparer de J. C. Elle ne savait qu'une chose, J. C. crucifié. Conclusion.

Germaine, malgré tous les obstacles, malgré les obligations de sa profession, assistait tous les jours au St Sacrifice de la messe. Pleine de confiance, elle laissait son troupeau dans la campagne et courait se réfugier aux pieds du divin pasteur. Elle savait qu'aucun accident n'arriverait à son troupeau et que le bon Dieu le garderait en son absence. Même lorsque ses moutons paissaient sur la lisière de la forêt de Boucone, abondante en loups, Germaine au son de la cloche, plantait en terre sa houlette ou sa quenouille et courait à l'appel de celui qui a dit : Ne craignez rien, petit troupeau, je serai avec vous. A son retour, elle retrouvait ses moutons où elle les avait laissés, tranquilles et en sécurité, comme au bercail. Jamais les loups ne lui en enlevèrent aucun, et jamais ce troupeau, gardé par la bergère absente, ne s'écarta des limites qu'elle lui avait marquées, ni ne causa le moindre dommage dans les terres voisines. Et comme Dieu s'était plû à bénir les troupeaux de Laban, sous la conduite de son serviteur Jacob, de même il bénissait celui que conduisait sa servante Germaine. Dans tout le village il y en avait de plus nombreux, il n'y en avait pas de plus beau. La marâtre n'en prenait pas moins occasion des absences de Germaine pour l'accabler de reproches et d'injures. Plus d'une fois les autres habitants de Pibrac, témoins du prodige qui enveloppait le troupeau quand l'innocente bergère était à l'Eglise, s'indignèrent contre cette méchante femme. Ils lui demandaient si elle n'était pas assez contente de la prospérité que Germaine attirait sur sa maison. - Conclusion. Respect, douceur, patience et résignation de Germaine.

A l'habitude d'assister à la messe, Germaine était assidue à s'approcher des sacrements de pénitence et d'Eucharistie. Elle communiait tous les Dimanches et aux fêtes de l'année. - Préparation de la Sainte à la confession: comme elle devait s'y disposer et se purifier des moindres taches - pénitence sévère qu'elle en ferait Conclusion.

La ferveur avec laquelle Germaine recevait la sainte communion offrait un spectacle si touchant que tous ceux qui le voyaient en étaient ravis et l'impression inéfaçable. - Entretien de la Sainte avec son Dieu et courage qu'elle retirait de la Communion.

A l'amour de N. S. J. C. elle joignait la dévotion à la T. S. Vierge. A l'exemple des Saints envoyés de Dieu pour servir d'exemples aux peuples et pour ranimer en eux le feu de la dévotion, n'ont jamais manqué de se signaler par leur amour pour Marie. Dès son bas âge, notre bienheureuse bergère avait donné des preuves de cette tendre et solide piété envers la Mère de Dieu qui, selon la doctrine des Saints Pères est une marque de prédestination. Son chapelet qu'elle récitait souvent, était son seul livre. L'Ave Maria était pour Germaine une source intarissable de lumières, de consolations et de ravissement. Dès qu'elle entendait sonner l'Angelus, en quelque lieu qu'elle se trouvât, pour témoigner plus de révérence, elle se mettait à genoux. Telle était la fidélité à cette pratique de piété, qu'on la vit souvent s'agenouiller ainsi au milieu de la neige et de la boue, sans prendre le temps de chercher une meilleure place. - Conclusion. Dévotion envers Marie.

Une des oeuvres que lui inspirait l'amour de Jésus et de Marie, était de réunir autour d'elle, quand elle le pouvait, quelques uns des petits enfants du village, pour -leur faire comprendre les vérités de la religion et leur persuader d'aimer Jésus et sa Mère. - Spectacle digne d'admiration, à son exemple, nous devons avoir soin des enfants, les instruire... ne pas les scandaliser. Les faire venir au catéchisme, leur enseigner la prière.

Sa vertu, sa piété, sa dévotion, produisait chez les uns une profonde impression; chez les autres, elle excitait la raillerie et la persécution. On riait de sa simplicité et on ne l'appelait plus que la Bigote. - Courage de la Sainte. Elle n'avait pas de respect humain. - Conclusion à tirer.

De même que Dieu daignait garder les moutons de Germaine quand elle les laissait dans les champs pour aller à la messe, il suspendit les lois de la nature et manifesta par des faits extraordinaires, combien cette pauvre fille dont on se moquait, cette infime et cette bigote, était agréable à ses yeux. Pour se rendre à l'Église du village, Germaine était obligée de traverser le Courbet, ruisseau qu'elle passait à gué, sans difficulté, dans les temps ordinaires, mais que parfois les pluies d'orages enflaient et rendaient infranchissable. Or un jour, comme elle se dirigeait vers l'Église, suivant sa coutume, des paysans qui la virent venir de loin, s'arrêtèrent à quelque distance se demandant entr'eux, d'un air railleur, comment elle passerait; car la nuit avait été pluvieuse, et le ruisseau extrêmement gonflé roulait avec fracas ses eaux qui auraient opposé une barrière à l'homme le plus vigoureux. Germaine arrive, sans songer à l'obstacle, peut-être sans le voir, et s'en approche comme s'il n'existait pas. O merveille de la puissance et de la bonté divines ! Comme autrefois, les eaux de la mer s'étaient ouvertes devant les enfants d'Israël sous la conduite de Moïse, par les ordres de Dieu les eaux du Courbet s'ouvrent devant l'humble fille de Laurent; et elle passe sans mouiller seulement le bord de sa robe. A la vue de ce prodige que Dieu renouvela dans la suite très souvent, les paysans s'entre regardèrent avec crainte et les plus hardis commencèrent à respecter la simple et pauvre fille dont ils avaient voulu se railler.

Après avoir ainsi plusieurs fois glorifié la foi de Germaine en écartant les obstacles matériels, Dieu voulut glorifier aussi sa charité pour les pauvres. Ce trait héroïque de tendresse envers les malheureux fut pour la Sainte, une occasion continuelle de rudes épreuves. Elle fut accusée de voler le pain de la maison. Sa marâtre la crût aisément coupable et n'en demanda pas davantage pour la traiter avec la dernière rigueur. Un jour, elle apprend que Germaine, qui venait de partir à la suite du troupeau, emportait dans son tablier, quelques' morceaux de pain. Aussitôt, furieuse et armée d'un bâton, elle court après la jeune fille. Quelques habitants de Pibrac cheminant, en ce moment, vers la métaierie de Laurent Cousin. Voyant cette femme hors d'elle-même, ils devinèrent son projet, et la suivirent en doublant le pas, dans le dessein de protéger Germaine contre le mauvais traitement dont elle était menacée. Ayant rejoint la marâtre, ils apprirent d'elle le sujet de son emportement et ils arrivèrent ensemble auprès de la bergère. On ouvre aussitôt le tablier de Germaine; mais au lieu du pain qu'on croyait y trouver, il n'en tomba que des fleurs nouées en bouquets, dans une saison où la terre n'en produit point. Ainsi Dieu renouvela, pour cette pauvre fille, le miracle qu'il avait opéré en faveur de Ste Elisabeth, duchesse de Thuringe, et confondit par le même moyen, la malice de son implacable ennemi. Saisis d'admiration, les témoins du miracle allèrent aussitôt dans Pibrac publier ce qu'ils venaient de voir. Depuis cette époque, on eut pour elle le plus grand respect et on ne la regarda plus que comme une Sainte. Son père Laurent, concevant des sentiments plus tendres pour cette vertueuse fille qu'il avait trop méconnue, défendit à sa femme de la tourmenter davantage et voulut lui donner place dans sa maison avec ses autres enfants. Mais Germaine accoutumée à la souffrance et amoureuse des privations, le supplia de lui laisser habiter la taudis obscur où l'avait confiné sa marâtre. - Amour, charité envers les pauvres qui sont les membres de J. C. - J'ai eu faim : j'ai eu soif : j'ai été nu, j'ai été malade et en prison. (St Math.) Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment aimera-t-il Dieu qu'il ne voit pas. (St Jean). Rachetez vos péchés par l'aumône. - Bienheureux les miséricordieux. Si quelqu'un pouvait se croire exempté de l'obligation de faire la charité, c'était bien Germaine...

La mort de Germaine suivit de près le miracle des fleurs. Dieu l'ayant sanctifiée par l'humiliation et les souffrances la retira de ce monde lorsque les hommes devenus plus équitables commençaient de rendre à sa vertu les honneurs qu'elle méritait. Un matin son père Laurent, ne l'ayant pas vue sortir comme à l'ordinaire, alla l'appeler sous l'escalier où elle avait voulu continuer de prendre son repos. Elle ne répondit point. Il entra et la trouva morte sur son lit de sarments, les bras croisés sur sa poitrine, la prière sur les lèvres. - Mort Sainte, cachée comme sa vie, mort heureuse, mort sans douleur. - Il n'y a que les impies et les méchants qui craignent la mort.

Ce fut l'an 1601, vers le commencement de l'été que notre Bienheureuse monta au Ciel. Elle avait 22 ans. La même nuit qu'elle mourait, sans témoin, dans cette triste solitude et sur ce grabat où tant de fois sa patience avait rejoui le coeur des Anges, Dieu se plut à manifester par un nouveau prodige combien cette mort était précieuse devant lui. Deux religieux allant vers Pibrac, surpris par l'obscurité, avaient été obligés de s'arrêter dans la forêt voisine et d'y attendre le jour. Au milieu de la nuit, tout-à-coup, les bois furent illuminés d'une clarté plus belle que celle de l'aurore, et, une troupe de Vierges, vêtues de blanc et environnées d'une lumière éclatante, parurent aux regards des deux voyageurs se dirigeant du côté de la chaumière de Laurent Cousin. Bientôt après elle repassèrent, mais il y en avait une de plus, que les autres entouraient; et celle-ci portait une couronne de fleurs nouvelles. Etonnés de cette vision, les deux religieux pensèrent qu'une âme sainte avait quitté la terre. Le lendemain étant arrivés à Pibrac, il y apprirent que Germaine venait de mourir. Le peuple vint en foule à ses funérailles. Elle fut enterrée dans l'Église, suivant l'usage de cette époque, en face de la chaire. Son nom sera immortel et sa mémoire éternelle. Combien d'hommes savants, illustres, dont le nom n'a survécu que quelques années; on a beau leur dresser des statues - etc. dans peu on n'en parlera plus...





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